Déclaration du Canada à la vingt-neuvième session de la Conférence des Etats parties à la Convention sur les armes chimiques (CAC)
Version prononcée fait foi
La Haye, Pays-Bas, le 26 novembre, 2024
Prononcée par S.E. M. Hugh Adsett, Ambassadeur du Canada auprès des Pays-Bas et Représentant Permanent du Canada auprès de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC)
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général, Madame la Directrice générale adjointe, vos Excellences, chers Collègues,
Le Canada se réjouit de l’élection de Son Excellence M. Almir Šahović, ambassadeur de Bosnie-Herzégovine, à la présidence de la 29e Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques. Le président peut être assuré de la collaboration et de l’appui sans réserve du Canada. Nous remercions également le président sortant, M. Suljuk Mustansar Tarar, ambassadeur du Pakistan, pour avoir dirigé la Conférence au cours de la dernière année.
Dans cette déclaration nationale, nous aborderons les défis fondamentaux auxquels la Convention est confrontée, notamment la non-conformité de la Syrie et de la Russie, ainsi que certains défis relatifs au fonctionnement, notamment les considérations liées à l’égalité des genres, l’inclusion de la société civile et l’adoption de modifications au budget biennal pour l’année 2025.
Monsieur le Président,
Cette Conférence des États parties est la troisième à se tenir depuis le début de la guerre d’agression illégale et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine. Cette guerre met en péril la paix et la sécurité mondiales, mine l’efficacité des régimes de non-prolifération, de contrôle des armements et de désarmement, et nuit au travail que mènent des organismes multilatéraux tels que l’OIAC.
Le 18 novembre 2024, le rapport de l’OIAC sur la visite d’assistance technique qu’elle a menée en Ukraine en vertu de l’article VIII a confirmé qu’une grenade contenant l’agent de lutte antiémeute CS avait été utilisée contre une tranchée militaire dans un territoire contrôlé par les forces ukrainiennes. Bien que la visite d’assistance technique n'ait pas pour objet d’attribuer la responsabilité de cet incident impliquant l’utilisation d’un produit chimique toxique en tant qu’arme, la grenade – prélevée dans une tranchée des forces ukrainiennes proche de la ligne de front – portait la signature en langue russe « RG-Vo », un acronyme russe connu signifiant « grenade à main contenant une substance toxique. » La Russie prétend respecter la Convention sur les armes chimiques (CAC) et ne pas détenir d’armes chimiques, mais ses propres médias d’État ont rapporté, et se sont même vantés que les forces russes utilisaient des agents de lutte antiémeutes contre leurs opposants en Ukraine. Lorsqu’on lui demande des informations sur ces déclarations, le gouvernement russe refuse de s’expliquer. L’utilisation d’agents de lutte antiémeutes comme arme de guerre constitue une violation sans équivoque de l’article I de la Convention. D’autres sources fiables affirment que des produits chimiques encore plus mortels, tels que la chloropicrine, une substance chimique inscrite sur la liste des produits toxiques, ont également été utilisés comme armes de guerre par la Russie.
Devant ce refus de reconnaître l’interdiction de posséder et d’utiliser des armes chimiques, l’OIAC a réagi. Depuis juillet, le Secrétariat a effectué trois visites d’assistance technique en Ukraine afin de fournir du matériel de protection et de détection ainsi qu’une formation, dont la visite ayant confirmé l’utilisation d’agents de lutte antiémeutes. Le Secrétariat a également fait bon usage du Centre pour la chimie et la technologie pour former du personnel ukrainien. Nous sommes heureux d’avoir contribué à hauteur de 750 000 dollars canadiens au Fonds d’assistance à l’Ukraine au titre de l’article X afin d’aider le Secrétariat technique à fournir à l’Ukraine du matériel d’identification et de détection des produits chimiques ainsi qu’une formation connexe.
Monsieur le Président, un État partie qui viole sciemment la Convention et refuse de répondre aux questions pour se disculper n’a pas de place au sein de l’organe directeur de l’OIAC. C’est pourquoi le Canada votera pour que la Tchéquie et la Macédoine du Nord occupent les deux sièges disponibles au sein du groupe de l’Europe de l’Est, conformément aux souhaits de la majorité de ses membres.
En outre, les tentatives d’assassinat de Sergueï Skripal au Royaume-Uni et d’Alexeï Navalny en Russie avec des agents neurotoxiques de type Novitchok soulèvent encore plus de questions quant au respect de la Convention par la Russie. Lorsque nous les posons à la Russie, nous n’obtenons pas de réponses raisonnables, intelligibles ou complètes, mais plutôt des faux motifs ou des pages et des pages de mensonges.
Ce type de désinformation représente une menace pour les objectifs et la raison d’être de la Convention sur les armes chimiques. Pour lutter contre la désinformation dans le domaine des produits chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, le Canada dirige une initiative visant à contrer la désinformation sur les armes de destruction massive. Cette initiative ambitieuse est mise en œuvre au nom des 31 membres du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dirigé par le G7, et est menée en étroite collaboration avec le Mécanisme de réaction rapide du G7. Initiative de grande ampleur et coordonnée à laquelle participent de multiples institutions, elle vise à faciliter la compréhension des dommages directs et indirects de la désinformation relative aux produits chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires et à fournir des outils pour contrer les discours de désinformation de manière préventive. Nous sommes d’ailleurs heureux de contribuer à un événement qui se déroulera en parallèle et qui portera sur ce sujet mercredi.
Monsieur le Président,
Le Secrétariat technique a informé les États parties des 19 questions en suspens concernant la déclaration initiale de la Syrie, dont beaucoup sont « très préoccupantes ». Le Canada est d’accord avec cette évaluation et, jusqu’à ce que ces questions soient résolues, nous devons conclure que le régime Assad a conservé une capacité offensive en matière d’armes chimiques après la destruction de son programme et des stocks qu’il avait déclarés. Il n’est pas certain qu’il conserve cette capacité à ce jour, mais le Canada ne fait pas confiance aux affirmations de la Syrie selon lesquelles elle a renoncé à toutes ses armes chimiques. Nous n’aurons pas confiance, et aucun État partie ne peut être assuré du respect de la Convention par la République arabe syrienne, tant que l’exigence fondamentale d’adhésion en tant qu’État partie – la déclaration initiale – ne pourra pas être considérée comme exacte et complète. La République arabe syrienne doit se conformer à la Convention. Elle doit combler toutes les lacunes, incohérences et divergences de sa déclaration initiale et permettre au Secrétariat technique d’accéder à tous les lieux, individus, éléments ou informations dont il a besoin, de manière complète et transparente.
Le Secrétariat technique a également besoin des ressources nécessaires pour accomplir son travail en Syrie. Le Canada est heureux d’avoir pu fournir 1 million de dollars canadiens pour soutenir les missions en Syrie et 390 000 dollars canadiens supplémentaires pour appuyer le profilage des échantillons chimiques.
Monsieur le Président,
En ce qui concerne le sujet de l’égalité des genres, l’OIAC a pris des mesures constructives pour favoriser l’entière participation et le leadership à parts égales des femmes dans ses activités. La représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein du Secrétariat s’est améliorée en général, mais a régressé au niveau des dirigeants. Le Canada continue d’être sur la même longueur d’onde que les 59 États qui se sont exprimés lors de la 106e session du Conseil exécutif en juillet dernier pour demander au Secrétariat technique de continuer à dialoguer avec les États parties au sujet de l’égalité des genres et, plus généralement, du programme « Femmes, paix et sécurité ».
En ce qui concerne la mobilisation de la société civile, le Canada considère que les contributions d’un large éventail d’acteurs de la société civile améliorent considérablement la mise en œuvre de la Convention. Le Canada encourage la participation active à l’OIAC d’un large éventail de participants non gouvernementaux qui possèdent une expertise, des capacités de reddition de compte et des points de vue uniques pouvant contribuer à la réalisation de nos objectifs communs.
À cette fin, le Canada estime que la Conférence doit simplifier son processus d’accréditation des ONG et le rendre plus transparent. Il est en effet possible de l’améliorer en tirant les leçons de l’expérience acquise dans la mise en œuvre des lignes directrices actuelles. Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible de parvenir à un consensus sur les propositions concrètes qui ont été soumises pour rendre les lignes directrices en matière d’accréditation plus efficaces, plus cohérentes et plus transparentes, et que certains États aient utilisé le statu quo pour empêcher la société civile de participer et, par conséquent, de critiquer les actions de ces États. Nous attendons avec impatience le rapport et les recommandations des co-facilitateurs, qui seront présentés plus tard dans la semaine, et nous sommes fiers de coparrainer une déclaration commune dirigée par les Pays-Bas, qui souligne les avantages d’un dialogue et d’une coopération renforcés avec la société civile, ainsi que le désir de la grande majorité de voir une plus grande mobilisation de celle-ci dans l’intérêt de tous les États parties et de la société civile.
Enfin, Monsieur le Président,
Il est temps d’adopter le programme et le budget révisés pour la seconde moitié de la période biennale. Le Secrétariat technique a modifié le programme pour veiller à ce que l’Organisation puisse poursuivre ses activités de manière sécuritaire et pour réduire l’augmentation des quotes-parts. Nous avons été heureux de voir que le programme et le budget ont été adoptés par consensus lors de la réunion du Conseil exécutif le mois dernier.
Nous sommes conscients du fait que les difficultés financières actuelles de l’OIAC ne se limitent pas aux effets de l’inflation. Certaines d’entre elles sont dues au paiement tardif, incomplet ou au non-paiement des quotes-parts. Cela nuit à tous les programmes de l’OIAC, notamment aux efforts visant à prévenir la réapparition des armes chimiques et à nos travaux en matière de coopération et d’assistance. Nous demandons instamment à tous les États parties de verser leurs quotes-parts intégralement et en temps voulu.
Nous prenons note du plan budgétaire visant à améliorer la sécurité physique au siège de l’OIAC. Le Canada est l’un des principaux bailleurs de fonds des efforts visant à renforcer la sécurité physique et cybernétique à l’OIAC, lui qui a d’ailleurs contribué à ceux-ci à hauteur de plus de 4 millions de dollars canadiens depuis 2019. Nous sommes heureux de voir que les mises à niveau de la sécurité sont financées par des quotes-parts, car la sécurité de l’OIAC est la responsabilité de tous.
Monsieur le Président,
En conclusion, les États parties peuvent être assurés que le Canada continuera de participer de manière constructive et de bonne foi aux efforts de l’OIAC pour veiller à ce que le travail important qu’elle mène en appui à la Convention se poursuive et pour garantir un avenir exempt d’armes chimiques.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
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